Alors que le Hareng grillé, bien évidemment accompagné d’un (seul…) bon verre de Ginglet, sera le met traditionnel de la Foire Saint-Martin, nous avons souhaité, par cette rubrique participer, nous aussi à cette fête, nous vous parlerons donc aujourd’hui d’un poisson peu commun dans nos eaux douces..
Aux siècles médiévaux, il abonde de la Baltique jusqu’à la Manche et l’Atlantique. D’une exceptionnelle fécondité (40000 et 60000 œufs par femelle) le caractère très grégaire (qui vit et évolue en groupe) de l’espèce explique ces bancs gigantesques sur les côtes au printemps ou au large en hiver ; le terme Hering, qui a la même racine germanique que Heer (l’armée) évoque d’ailleurs cette masse. Le hareng est une manne mais il faut en assurer l’approvisionnement régulier durant les jours d’abstinence, lorsque la viande est interdite. Conservé, sitôt débarqué, le hareng que l’on vient de pêcher près des côtes peut-être posé dans le panier, recouvert d’une mince couche de sel et de paille : c’est le hareng dit ‘’poudré’’ à Paris, où les consommateurs aisés apprécient ce produit quasi frais mais onéreux. La plupart des prises finissent en harengs saurs, c’est à dire exposés plus ou moins longtemps à la fumée de hêtre ou de chêne, ce qui les rend imputrescibles : Calais en fume ainsi 10 millions en 1321. Mais comment faire avec les 350 millions de pièces pêchées en 2 mois dans la baltique. De ce questionnement naitra la grande innovation médiévale qu’est le ’’caquage’’ des harengs. Les pêcheurs hollandais ont les premiers, eu l’idée d’apprêter le poisson à bord. Immédiatement après leur capture, les harengs sont ouverts en deux puis vidés, enfin entassés dans un tonneau, en couches compactes qui alternent avec des couches de sel : la saumure ainsi formée protège les poissons de l’air ambiant ; même s’ils changent de couleur, d’odeur et de goût, les harengs caqués peuvent se garder un an. L’encombrement minimal que représente le tonneau facilite en outre le transport et permet enfin de répondre, grâce à ces véritables navires – usines, à l’énorme demande européenne.
En temps de carême, l’approvisionnement en poissons constitue un souci pour les autorités. Les poissonniers font l’objet d’une surveillance encore plus attentive lorsque, comme à Paris, la ville est fort éloignée de la mer. Si le hareng ‘’caqué’’ peut supporter les délais qu’imposent tous les intermédiaires (plus de huit du pêcheur à la harengère, vendeuses réputées pour leurs facondes..), il n’en est pas de même pour le poisson frais : pêché de la veille, il doit être livré dans la capitale avant 8 heures du matin et mis en vente le jour même, au printemps et en été, le lendemain, le reste de l’année. la capitale distante de plus de 150 km, implique de voyager jour et nuit en s’arrêtant seulement pour changer les montures. A condition que les ‘’chasse-marée’’ ne soient pas entravés dans leur progression par les péages seigneuriaux. Car au moyen-âge, malgré la protection du roi, les poissonniers n’ont pas le pouvoir des bouchers !
Illustration : Un pêcheur de harengs (Clupea harengus), une bien belle pêche qui sera sur les étals des harengères dès le lendemain. Dessin daté de 1550 (source Greenpeace).
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