Analyse du retour du saumon dans la Seine :
Le Saumon atlantique (Salmo salar) Linné - 1758. est considéré comme une espèce en danger et appartient depuis le début des années 1990 à la liste des poissons menacés d'Europe. Une telle situation résulte d'une diminution de l'aire de distribution, d'une baisse d'abondance des populations et s'accompagne d'une modification de l'histoire de vie de l'espèce avec notamment un raccourcissement des temps de générations. Ces modifications sont la conséquence de la multiplication des obstacles, de la canalisation des cours d'eaux et de la baisse de la qualité de l'eau suite aux rejets industriels, agricoles et domestiques. A ces facteurs, s'est ajouté très récemment l'impact du changement climatique.
Dans ce contexte, la France n'a pas fait exception à ce déclin général. La régression progressive du saumon date du milieu de XVIIIe siècle et a conduit à la disparition de l'espèce dans la plupart des grands bassins fluviaux comme la Seine, le Rhin, la Garonne et la Dordogne.
Historiquement, la Seine était un fleuve colonisé par une abondante population de saumons. Cette population était constituée de gros poissons de plusieurs hivers de mer dont le poids moyen était de 10 kg. La période de migration s'étendait de décembre à juin. Les zones de reproduction les plus importantes étaient localisées dans le bassin de l'Yonne. L'aménagement de la rivière et l'augmentation de la pollution ont conduit à l'extinction de l'espèce au début du 20e siècle. La Seine a certainement été le fleuve français le plus pollué subissant dans les années 1960-1970 de longues périodes de faibles à très faibles teneurs en d'oxygène dissous sur la partie aval et au niveau de l'agglomération parisienne, réduisant très fortement le nombre d'espèces de poissons présentes.
Un signe positif de la qualité des eaux
Depuis les années 1990, la qualité de l'eau de la Seine s'est fortement améliorée, notamment grâce aux efforts de traitement des effluents, ce qui s'est traduit par la recolonisation de nombreuses espèces appartenant à la communauté historique de poisson migrateurs, dont le saumon atlantique. En effet, depuis le début des années 2000 des adultes sont capturés par pêche à la ligne et lors des programmes d'inventaire des espèces de poissons et de contrôle de la qualité de l'eau. En 2008, 260 poissons ont été observés par vidéocomptage dans la passe à poisson du barrage de Poses, située en amont de Rouen.
Les résultats des analyses des saumons de la Seine
Dès les premières captures, les chercheurs de l'INRA (en collaboration avec l'ONEMA et le CEMAGREF) ont été sollicités pour confirmer la présence de l'espèce sur la Seine. Ces chercheurs ont par la suite réalisé une première analyse des caractéristiques biométriques (taille, poids), démographiques (âge) et génétiques (utilisation de marqueurs microsatellites) d'un échantillon de sept saumons adultes.
Les saumons adultes analysés mesuraient entre 56 et 97 cm pour un poids compris entre 1,3 et 7 kg. 50 % d'entre eux étaient âgés d'un an d'eau douce (temps de séjour du jeune saumon en rivière avant sa descente en mer). Quatre d'entre eux étaient des castillons (individus à court séjour marin soit un an et demi en mer), deux étaient des petits saumons de printemps (deux ans en mer) et le dernier était un grand saumon de printemps (trois ans en mer).
L'origine de ces poissons a été déterminée par analyse génétique en les comparant à une collection d'échantillons de référence issus de 34 populations françaises ainsi que de stocks du Royaume-Uni et de Scandinavie. Cette analyse d'assignation montre que ces saumons semblent avoir des origines diverses. En effet, ils s'apparentent soit aux stocks de rivières de Basse-Normandie (rivières proches), soit à des stocks de bassins plus éloignés comme l'Allier ou des rivières étrangères. Ces analyses suggèrent également qu'il pourrait exister un " embryon " de population spécifique de la Seine, provenant soit d'une population relictuelle, soit de croisements récents entre sujets de diverses origines.
Ce travail réalisé sur la Seine est par ailleurs intéressant à deux égards. D'une part, contrairement à d'autres grands bassins fluviaux où l'espèce avait aussi disparu, aucun poisson issu d'élevage n'a été déversé dans la Seine depuis 1895. Une amélioration de la qualité de l'eau et de l'habitat pourrait donc suffire à rendre la Seine, ou toute rivière, attractive pour les saumons des cours d'eau proches. Ceci indique que le repeuplement ne doit pas être considéré comme une méthode incontournable de gestion et qu'une restauration de l'habitat peut être privilégiée. D'autre part, la présence de poissons d'origines diverses confirme les conclusions de travaux antérieurs menés à l'INRA qui montrent que le " homing " (retour à la rivière natale) du saumon atlantique ne peut être envisagé trop strictement dans le cas de cours d'eau proches. En effet, des divagations peuvent être relativement fréquentes entre des rivières voisines.
Source : service de presse de l'INRA.
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